Par Denis Vinckier
Clin d’œil à l’histoire des Semaines sociales avec ce billet qui va nous faire voyager dans le temps. La circonstance pour nous est de souligner avec Bernadette Angleraud, présidente de l’antenne sociale de Lyon, la disparition d’Emma Gounot, à l’aube de ses 100 ans. Emma Gounot ne doit pas et ne peut pas nous laisser indifférents. Pourquoi ? Professeur à la faculté Catholique de droit de Lyon à 22 ans, elle a été secrétaire générale des Semaines Sociales de France à 36 ans, s’illustrant dans une carrière d’autant plus brillante qu’elle s’exprime à l’époque dans des « bastions » masculins. Gageons que du haut de son grand âge, elle ait apprécié que Dominique Quinio devienne présidente des Semaines sociales de France en 2016.
Soulignons qu’Emma Gounot a donc eu ce rôle important de secrétaire générale des Semaines sociales de 1953 à 1972, c’est-à-dire jusqu’à la période de « mise en sommeil » non sans avoir contribué sur Lyon à « la résurgence » dans les années 1990. Héritière, elle l’est donc par son père, Emmanuel Gounot, qui appartient à ce milieu de jeunes catholiques, mis en route par l’encyclique de Léon XIII Rerum Novarum, dans le sillage de la Chronique sociale, initiée par Victor Berne et Marius Gonin. Nous sommes là au cœur de l’histoire provinciale qui a tant donné aux Semaines sociales de France. En 1936, Emmanuel Gounot se rend aux Semaines Sociales de France, accompagné de sa fille aînée, Emma, alors âgée de 19 ans et étudiante en droit. Puis vient la guerre, durant laquelle la passation des responsabilités entre le père et la fille va s’opérer dans tous les domaines. En 1939, Emmanuel Gounot étant mobilisé, Emma, sur demande du recteur de la Faculté catholique de droit de Lyon, reprend son enseignement, avec un intérim qui durera …jusqu’en 1984 !
Pionnière, elle l’a été davantage, nous dit Bernadette Angleraud, pour s’être imposée dans le milieu des catholiques sociaux, mais aussi dans le monde universitaire et juridique. Certes, elle s’est inscrite dans les pas de son père, mais en y apportant toute sa personnalité tant dans son métier d’avocate que d’enseignante. En créant l’Institut des Sciences de la Famille en 1972/1973, qui se développe en autonomie de l’Institut social au départ présidé par Joseph Folliet, Emma Gounot a témoigné de la façon originale dont elle souhaitait s’emparer de la question de la famille pour la faire émerger des débats idéologiques, en l’ancrant dans la société globale et en engageant le dialogue. La spécificité de cette structure tient en quelques mots : rattachée à l’Université Catholique, elle aborde la question de la famille de façon pluridisciplinaire (avec des juristes, des sociologues, des psychologues, des philosophes) et pour un public très large.
Souvenons-nous d’Emma Gounot comme d’une pionnière. Aussi parce que, à l’instar d’un Eugène Duthoit (Président des Semaines sociales de France de 1919 à 1939) qu’elle a donc certainement un peu connu, elle a généré, à partir de la faculté de droit de Lyon (comme lui quelques années auparavant à partir de la faculté de droit de Lille) un Institut pluridisplinaire des Sciences de la Famille (Pour lui une école de service social annexée à l’école de sciences sociales et politiques). A des décennies d’intervalles, Emma Gounot est restée attachée à ce qui reste un fondement des Semaines sociales : la science pour l’action, avec un haut niveau d’exigence universitaire et d’ouverture à la société. C’est cela l’esprit pionnier dont a su faire preuve Emma Gounot et dont il est bon de se rappeler aujourd’hui.
Denis Vinckier, membre du Conseil des SSF
Emma Gounot en deux minutes – que transmettre ? http://www.antennesocialelyon.org/emma-gounot/
La communication de Bernadette Angleraud, Historienne, Présidente de l’Antenne Sociale de Lyon
Emma Gounot a été inhumée à Neuville-sur-Ain, berceau de sa famille maternelle, auprès de son père qui aura été une figure lyonnaise du catholicisme social de l’Entre-deux-guerres et l’inspirateur des loi et ordonnance sur la politique familiale des années 1940, avec la création de l’union des associations familiales. Dans son rôle d’avocat de combattants FLN, elle a affronté deux tête-à-tête avec le général de Gaulle pour en obtenir la grâce, qu’il lui accorda. A plus de 90 ans, on pouvait encore la voir prendre seule le train pour Paris, ne voulant manquer aucune session de ses chères Semaines.
Je suis une nièce d’Emma Gounot. Mes parents (Joannes Charpin et Adèle Gounot) se sont connus à la Chronique Sociale.
Mes remerciements pour cet article.
Emotion pour mon épouse et pour moi Emma, fut un de mes premiers contacts avec les Semaines…. mais cela remonte à 1962 ou 63 pour une semaine intitulée » la montée des jeunes dans la communauté des générations. Jeune jéciste quel accueil , et quelle disponibilité pour transmettre le feu de l’action sociale !! quelques années plus tard engagé au Secrétariats Sociaux- » la rue St Benoit »- j’ai eu la chance de cotoyer Emma Gounot au sein de la commision générale des Semaines Sociales. Sa disponibilité, son écoute,son témoignage restent pour moi exemplaire du catholicisme social !
Merci Emma
film d’entretien réalisé avec Emma Gounot, « Libre traversée d’un siècle »
Voici le lien vers la vidéo : https://webtv.univ-lyon3.fr/videos/?video=MEDIA170315082001433