Par Delphine Bellanger
Si j’étais née en 17 …
La ritournelle de Jean-Jacques Goldman résonne à mes oreilles.
Qu’elle est bien vue cette chanson ! Bien en phase avec ma génération.
Je suis née en 1979 à Dreux. J’ai été élevée dans l’après-après-guerre. Dans un monde où il y avait déjà des attentats (la rue de Rennes, station Saint Michel). Dans un monde où on faisait déjà la guerre de loin (guerre du golfe, frappes « chirurgicales » en Irak). J’ai écouté avec passion mon grand-père raconter sa captivité en Allemagne en 40, la libération de Paris. J’ai aussi écouté ma grand-mère raconter son pétainisme et son manque total de clairvoyance à cette époque-là. (En revanche, curieusement, personne ne m’a parlé de la guerre d’Algérie.)
Alors, bien sûr, si j’étais née en 17 à Leidenstadt, j’espère que j’aurai été « meilleure que ces gens », que je serai entrée dans la résistance, que j’aurai pourfendu l’ennemi, cette bête immonde si facile à identifier… A posteriori.
Seulement voilà je suis en 2015 à Paris. J’ai, bien entendu, une trouille bleue du jour d’après, d’avoir à la vivre, cette guerre, cet ovni irréel que je vois au travers des médias. J’ai peur pour mes enfants, que je préfèrerai élever dans un joli champ de jonquilles bios garanties sans OGM.
Je voudrai bien résister. Mais comment ? Contre qui ? En m’indignant sur les réseaux sociaux ? En allant voter ? En m’informant aux « bonnes sources » ? En gardant la tête froide ? En étant modérée ?
Le monde contemporain n’aime pas les gens modérés. Inaudibles dans la cacophonie médiatique. Il est bien plus tentant de verser dans le manichéisme. Il va être bien difficile de rester soudés sur le long terme, face à la peur qui reviendra sans cesse, poussant les politiques, et nous avec, à nous disputer sans fin sur les moyens à prendre pour se défendre efficacement.
Pour défendre quoi ? Nos avantages acquis ? Notre richesse ? Nos intérêts personnels ? Ils sont si curieusement liés à ce que nous appelons joyeusement « la liberté » dans nos pays occidentaux.
Il semble ce matin qu’il va nous falloir partager, nous ouvrir, accepter de moins gagner, accepter de perdre. Accepter de se libérer, pour de vrai, d’un monde trop riche et trop gâté qui nous rend tous fous ?
Selon mes choix, mes enfants diront-ils à leurs enfants que grand-mère, dans les années 2000, a été « meilleure que ces gens » ?
Delphine Bellanger, membre de l’équipe permanente de SSF