Des fidèles des Semaines sociales ayant bien connu Jean Boissonnat lui rendent hommage au travers de témoignages. Ces billets lui sont dédiés et nous permettent de re découvrir l’histoire des SSF.
Voici le texte de Jean-Pierre Rosa, ancien délégué général des SSF
Lorsque je pense à Jean, beaucoup de souvenirs me reviennent. Souvent ce sont des détails apparemment sans importance mais ils ont du sens, au moins pour moi. Son gout pour la ponctualité tout d’abord. Il ne supportait pas les réunions qui commencent en retard et avait dressé très vite la petite troupe du conseil en commençant à l’heure, quitte à faire remarquer au retardataire que, pour gagner trois minutes, il risquait d’en faire perdre trois à chacun de ceux qui avaient eu le bon gout d’être présents à temps ! Son sens de la phrase ensuite. « Sujet, verbe complément »répétait-il. « Il faut parler par phrases simples, sinon le lecteur est perdu. Et on peut toujours faire simple ». Pour moi, qui ai plutôt le sens de la phrase longue des philosophes, cette recommandation de bon sens issue du souci journalistique élémentaire d’être compris, a été très importante. Je m’en souviens encore parfois avec bonheur. Son obsession de la justesse enfin. A la fin d’une session, il passait un temps infini à suer sang et eau sur ses conclusions jusqu’à la dernière minute en écrivant, réécrivant, demandant conseil, se retirant, revenant, montrant son texte à l’un puis à l’autre. Il y avait beaucoup d’inquiétude dans son attitude pourtant elle ne manifestait pas l’ego d’un orateur mal assuré mais le souci de coller au plus juste à ce qui s’était dit, à ce qui était appropriable par les semaines, audible par tous, utile pour la société. Sa recherche constante du moment favorable enfin, quitte à forcer un peu le destin. C’est lui qui avait fait passer la session à un rythme annuel. Il avait attendu que le conseil soit prêt pour proposer cette idée qui, du coup, semblait évidente. Lui aussi qui avait voulu augmenter jusqu’à mille le nombre d’adhérents à l’association en créant le slogan : « mille amis ». Lui enfin qui avait voulu mettre sur pied une fondation pour pérenniser l’action des Semaines. Il avait le sens et le gout de la formule. Je me souviens de ses propos au moment de la construction de l’euro, lorsqu’il s’inquiétait de l’absence de politique économique pour accompagner la monnaie unique : « C’est comme si nous avions déposé une grenade dégoupillée sur la table et que nous attendions maintenant qu’elle nous saute à la figure ! »
Mais il y a aussi quelque traits majeurs que je n’oublie pas. Tout d’abord cette conscience d’appartenir, par sa naissance, au peuple des petites gens qu’il ne renia jamais dans ses prises de positions, ses amitiés et tout son comportement. D’une certaine manière c’était comme la toile de fond de ses différents engagements. Une sorte d’hommage rendu aux siens. Le contrat d’activité qu’il mit en avant lors de son rapport au Plan sur le Travail et qu’il traduisit en statut du travailleur pour les Semaines sociales, en porte la marque. De ce point de vue c’était un fraternel, un homme qui ne supportait guère d’autres relations que d’égalité et de coopération.
Je retiens aussi cette bonne humeur joyeuse et communicative qui tempérait son caractère inquiet et était la marque de sa foi. Enfin cette activité protéiforme, soutenue, têtue parfois, qui coulait pour lui de source, comme une conséquence de son être même.
Jean-Pierre Rosa