Par Jérôme Vignon
Ce 2 février 2016, à l’invitation de Laurence Dumont, vice présidente PS de l’assemblée nationale, des assises mondiales convoquées par des associations féministes à dominante française s’était rassemblées autour d’une charte destiné à « enjoindre les Etats de l’Union européenne d’agir pour exclure ou abolir en Europe, et si possible au-delà, toute loi ou réglementation visant à autoriser la pratique de la maternité de substitution, contraire au respect de la personne humaine ». Un œil exercé pouvait reconnaître dans l’assistance non seulement quelques hommes , mais aussi quelques protagonistes du débat sur le « mariage pour tous « qui s’étaient opposés à la loi au motif du dommage qu’elle infligeait à la filiation des enfants susceptibles désormais de se voir imposer un père en place d’une mère et vice versa.
Me trouvant à l’intersection de ces deux groupes minoritaires, je me demandais ce qui constituait le ciment profond d’une assemblée aussi disparate. Plusieurs déléguées à la tribune ne faisaient elles pas remarquer qu’on relevait des traces « patriarcales chrétiennes« dans l’offensive ultra libérale actuelle destinée à légaliser une manière de « GPA éthique » sous couvert d’altruisme et d’empathie pour la souffrance des couples privés de descendance ? Empathie, altruisme, des « prétextes séculaires défendus par la tradition chrétienne servant à assigner les femmes aux soins de la famille et des enfants », se trouvaient débusqués. Le refus de la marchandisation du corps des femmes devait se suffire à lui même.
Il apparaissait cependant que ce refus trouvait sa justification dans une anthropologie intégrale pour laquelle esprit et corps ne pouvaient être dissociés. C’est par le subterfuge de la réification d’une partie du corps que l’on pouvait rendre licite et éventuellement commercialisable le « service » d’une gestation, ouvrant la voie à la chosification complète du corps lui même, et non pas au simple droit d’en disposer. Une écrivaine dans l’assistance enfonça le clou. Il fallait selon elle parler non de mère biologique (par opposition à une mère génétique) ni de maternité de substitution, car « on ne devient mère qu’après la naissance de l’enfant » et cette qualité est détruite aussitôt après la naissance par les dispositions du contrat de GPA. Il faudrait plutôt parler de « location d’utérus », expression conforme à la dissociation opérée matériellement entre une femme et ses organes. Comment alors ne pas songer aux accents mis par le Pape François dans l’encyclique Laudato si sur l’intégralité de la destinée humaine qui repose sur une harmonie indissociable entre le corps et l’âme, entre la matière et l’esprit ?
Je n’ai pu non plus m’empêcher d’éprouver en écoutant la diversité des témoignages à la tribune le sentiment d’une aisance française à se mouvoir dans les catégories de l’universel. J’ose penser que ce n’est pas un hasard si des associations de culture et d’origine française ont d’emblée voulu porter à l’échelle mondiale une forme de limite à la toute puissance de la commercialisation du vivant. C’est bien la marque d’un très vieux souci de parler au nom de l’humanité. Encore faudra t il trouver maintenant le moyen de faire entendre un tel souci dans les instances internationales où les droits fondamentaux sont actualisés, au premier chef au sein du Conseil de l’Europe, un lieu dont la créativité juridique semble à beaucoup énigmatique.
Jérôme Vignon, président des Semaines sociales de France, le 5 février 2016
Que certaines parlent de traces « patriarcales chrétiennes » lorsque l’on évoque une GPA dite « éthique » est d’autant plus surprenant qu’il ne me semble pas que ceux qui prônent cette GPA « éthique » se reconnaissent comme chrétiens. Au contraire. Et je sais que vous conviendrez que c’est mettre le christianisme à toute les sauces que de lui faire endosser la responsabilité de tout altruisme ou de toute empathie – ici dévoyés.
En outre, si on parle de « location d’utérus », façon de dissocier comme vous le soulignez une femme de ses organes, il faut aussi parler de « Grossesse Pour Acheteurs », car c’est bien d’achat d’enfants qu’il s’agit. En d’autres termes, une GPA peut en cacher une autre..