par Catherine Belzung
Les députés britanniques viennent de se prononcer en faveur de l’utilisation de la fécondation in vitro (FIV) avec remplacement mitochondrial, parfois appelée « FIV à trois parents ». De quoi s’agit-il au juste? Dans les gamètes humains (ovules et spermatozoïdes), l’essentiel de l’ADN est localisé dans le noyau des cellules (20 000 gènes), mais une petite partie (37 gènes) se trouve dans les mitochondries. Au moment de la fécondation, l’ADN mitochondrial des spermatozoïdes est systématiquement perdu, si bien que l’embryon se développe à partir de l’information génétique contenue dans l’ADN nucléaire de son père et de sa mère, mais aussi dans l’ADN mitochondrial provenant uniquement de sa mère, qui est donc hérité de façon strictement matrilinéaire. Dans certains cas, cet ADN mitochondrial peut véhiculer des maladies graves comme par exemple la maladie de Leigh. L’idée de la FIV à 3 parents est donc de créer des embryons dans lesquels l’ADN mitochondrial défectueux pourrait être remplacé par l’ADN mitochondrial d’un donneur. Cet embryon sera donc constitué de trois types d’ADN : l’ADN nucléaire de ses deux parents, et l’ADN mitochondrial d’un donneur.
Pour beaucoup, une fois que cette méthode aura prouvé sa faisabilité (ce qui n’est pas attesté pour l’instant car elle n’a été testée que chez l’animal), elle ne poserait pas de problème éthique particulier, car on ne toucherait pas à la transmission du patrimoine génétique : l’apport du donneur ne correspondrait à rien de plus que « changer une pile » défectueuse. En effet, souvent la mitochondrie est décrite comme étant la «batterie de la cellule ». En réalité, comme souvent avec les analogies, cette métaphore est trompeuse et nous égare. Tout d’abord, en biologie la quantité n’est jamais ce qui importe le plus : autrement dit, ce n’est pas parce qu‘une chose est abondante qu’elle est importante, et vice versa. Pensons aux cellules de la rétine : elles ne sont pas nombreuses comparées au reste des cellules du corps, mais comme elles ont une fonction cruciale pour voir, elles sont essentielles. De la même manière, ce n’est pas parce qu’il n’y a que 37 gènes mitochondriaux qu’ils ne sont pas importants. En second lieu, les défenseurs de la FIV à 3 ignorent un phénomène très important : les interactions des gènes entre eux. En effet, les gènes n’agissent pas isolément, mais collectivement, au sein de réseaux : ainsi l’ADN mitochondrial interagit avec l’ADN du noyau, si bien que les 37 gènes mitochondriaux modifient l’expression des gènes nucléaires grâce à un genre de dialogue constant. La preuve : des études scientifiques ont démontré une implication de l’ADN mitochondrial dans les aptitudes cognitives, le vieillissement ou encore les traits de personnalité comme l’extraversion par exemple.
Quelle leçon en tirer ? Peut être que les débats éthiques, en plus de s’appuyer sur des principes moraux, doivent aussi tenir compte de la complexité du biologique, car l’ignorer pour la réduire à des processus simplifiés peut conduire à des conclusions peu fondées. Bien d’autres exemples pourraient illustrer cette thèse.
Catherine Belzung, membre du CA des SSF