Distinguer les réfugiés en fonction de leur religion: une menace pour les valeurs chrétiennes

Par Catherine Belzung

Faut-il marquer une préférence pour l’accueil de migrants chrétiens ? L’idée a été défendue ces derniers jours par différents maires comme celui de Roanne. Mais il ne s’agit pas d’une proposition isolée et seulement franco-française. On observe en effet les mêmes réactions en Australie, en Hongrie, en Slovaquie mais aussi en Bulgarie à Chypre, en Pologne ou en République Tchèque. Par contre, la nature des arguments utilisés est variable : pour certains (par exemple en Australie), les chrétiens seraient davantage persécutés que les autres; pour d’autres, une présence trop importante de musulmans constituerait une menace pour les racines chrétiennes de l’Europe (c’est ce qu’affirme le premier ministre hongrois); pour d’autres, les musulmans auraient des difficultés à s’intégrer et leur présence menacerait la cohésion sociale (c’est l’argument discuté en Slovaquie, en Bulgarie, en Pologne) et finalement d’autres encore craignent que les musulmans  puissent être des «terroristes déguisés» (c’est ce qu’affirme le maire de Roanne).
Non seulement ce type de distinction pourrait être facilement contournée, la rendant inefficace (par exemple à Berlin des cas assez nombreux de « conversions »  de réfugiés iraniens et afghans ont été observés ces derniers jours ) mais en plus il est facile de répondre à ces arguments un à un. Par exemple, les musulmans modérés (et d’autres minorités religieuses) sont autant persécutés que les chrétiens au Moyen Orient.  Loin de menacer l’harmonie de nos sociétés occidentales, ils contribuent à les enrichir de leur vision du monde, contribuant à leur potentiel d’innovation. En outre, ces discriminations seraient sans aucun doute à l’origine de fractures supplémentaires à la fois au sein de nos sociétés (pensons à la façon dont elles pourraient être ressenties par la communauté musulmane déjà implantée dans nos villes) et au sein de la Communauté européenne (si les réponses apportées ne sont pas identiques): elles menaceraient donc la cohésion, plutôt que l’inverse. Plus généralement, la proposition selon laquelle il ne faudrait pas apporter une réponse homogène aux demandeurs d’asile pour prendre en compte leur religion est inacceptable au regard des principes fondamentaux défendus par la Communauté Européenne qui sont en réalité basées sur des valeurs chrétiennes comme l’accueil de celui qui souffre et le refus de toute discrimination. Loin de menacer les valeurs de l’Europe, l’accueil de tous sans distinction en fonction de la religion est en réalité la conséquence de ces valeurs.

Catherine Belzung, membre du CA des SSF

2 Commentaires

  1. Merci pour cette excellente analyse. Vu du Moyen Orient où je vis depuis plus de 44 ans, ce genre de discrimination est une véritable catastrophe. Au milieu de tous ces évènements dramatiques, il y a heureusement ici beaucoup de solidarité dans la souffrance entre de nombreux musulmans et de nombreux chrétiens. Si nos amis musulmans apprennent ensuite qu’en Europe nous trions les gens selon leur appartenance religieuse, cela risque de briser toute la confiance réciproque construite au cours de ces dernières années. (Pour donner seulement un argument parmi d’autres qui montre la stupidité si ce n’est la honte de vouloir choisir ainsi parmi des gens qui sont déjà désespérés et qui pourraient quand même croire qu’en Europe toutes les valeurs ne sont pas mortes!)

  2. Catherine

    Merci de ce commentaire, qui constitue un argument supplémentaire contre la pratique de discriminations.

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