Conventions démocratiques : la démocratie, une convention ?

Par Philippe Segretain 

Efficacité  du cadre choisi, le Président de la République sait encadrer son propos, au Louvre lors de son élection ou, cette semaine, à la Sorbonne ; il enracine ainsi la vision qu’il propose dans la pierre, dans le temps long. Pour présenter son projet pour l’Europe cette mise en valeur était légitime.

La démonstration a pu ainsi se dérouler, en mêlant sans ruptures lyrisme et propositions opérationnelles. Elle s’est appuyée sur l’histoire, et sur les mutations que nous vivons. Le rappel des défis que doit affronter tout pouvoir politique aujourd’hui a montré que, pour retrouver sa primauté, le politique doit accepter de repenser l’espace pertinent pour l’exercice de la souveraineté. Les marchés changent, changeons le régulateur. Et dotons l’Union de prérogatives et d’outils renouvelés plus puissants pour l’innovation, l’aide au développement ou encore dans le domaine de l’éducation. Puis Emmanuel Macron a pris le risque de voir au-delà de l’horizon politique habituel pour proposer aux partenaires, complices supposés et pays moins proches, les évolutions institutionnelles, dont l’Europe à plusieurs vitesses, qui pourraient permettre de faire évoluer l’Union pour plus d’efficacité. Proposer des élections parlementaires avec des listes transnationales est un symbole fort. Hauteur de vue, précision du propos, un beau discours européen.

Mais le président a rappelé, rapidement, qu’en 2005, Français et Néerlandais avaient rejeté une évolution institutionnelle. Il a aussi évoqué les agriculteurs qui manifestent contre la doxa européenne. Et l’analyse du rejet de l’Europe, du succès des discours de repli sur l’espace national, des raisons du Brexit n’ont pas fait l’objet de la même analyse politique que les raisons de la relance. Comme si la récente évolution des opinions publiques masquait les tentations rampantes de repli sur soi et permettait de les ignorer. La proposition de conventions démocratiques menées simultanément dans les pays volontaires dès 2018 a des mérites : elle peut créer une dynamique politique supranationale. Mais malgré le renfort des outils digitaux de partage et de participation, se donnera-t-on les moyens de dépasser le cercle de toutes les élites, jeunes, cultivées, intégrées, et d’entendre directement, et à travers leurs représentants, les exclus, les laissés pour compte du projet européen, ceux qui in fine s’abstiennent ou votent non, s’abstiennent ou votent pour les hérauts des populismes.

Ce projet ne sera crédible que s’il est fondé démocratiquement, par étapes. La communication présidentielle peut séduire, mais elle ne suffit pas à nourrir le dialogue démocratique, fut-elle distribuée dans des cercles plus larges que l’auditorium de la Sorbonne. Emmanuel Macron a  brillamment rappelé l’utilité de retrouver un pouvoir politique européen, il a été plus rapide sur sa légitimation préalable par une nécessaire compréhension des rejets, et par un travail d’articulation entre démocratie et solidarité. Mais c’est sans doute pour le discours suivant…

Notre Session de Novembre, « Quelle Europe voulons nous ? » pourrait  lui apporter de éléments de réponse.

 

Philippe Segretain, pilote de la session 2017 « Quelle Europe voulons-nous ? »

1 Commentaire

  1. JP ROSA

    Je voulais répondre à ce texte mais voici que je lis, sous la plume de Jürgen Habermas, le grand philosophe allemand, à peu près exactement ce que j’aurais voulu dire. Du coup je me permets de renvoyer le lecteur à cette analyse, à mon sens lumineuse, du dernier représentant de l’école de Francfort :
    http://bibliobs.nouvelobs.com/idees/20171025.OBS6471/ce-fascinant-monsieur-macron-par-jurgen-habermas.html

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