Par Dominique Quinio
« America first ! », scande le nouveau président des Etats Unis d’Amérique, Donald Trump. « Préférence nationale », entend-on de ce côté-ci de l’Atlantique. Le Royaume Uni, seul maître à bord sur son île, ainsi en ont décidé les électeurs britanniques qui ont voté pour le Brexit. La tentation du nationalisme gagne tous les peuples de l’Union européenne : voilà qui donne à la future session des Semaines sociales sur l’Europe, en novembre prochain, toute son actualité et son acuité. A cette aspiration à se replier à l’intérieur des frontières nationales, que peut répondre l’Union Européenne ?
Devant les peurs engendrées par la mondialisation, des échanges économiques, financiers, culturels sur lesquels aucun pouvoir politique, aucun Etat, ne semble avoir de prise, Donald Trump répond sans nuance. Il prétend défendre les valeurs qui ont fait la grandeur de son pays (le problème étant qu’une bonne partie des Américains les comprennent autrement que lui), à une prospérité strictement nationale.
Pour les Américains favorables à Trump, il est important d’aimer son pays, d’en être fier et d’en défendre les intérêts. Mais peut-on s’en contenter ? Un pays aussi puissant, sur le plan économique, diplomatique ou numérique, ne peut pas ne pas s’interroger sur sa responsabilité envers le reste du monde. En outre l’interdépendance des économies, des flux financiers, des cultures et des hommes est un fait dont il faut tenir compte. Des murs ne suffiront pas à la juguler.
L’Eglise catholique, par définition universelle, ne veut pas par principe condamner la globalisation. En revanche, tous les enseignements magistériels appellent à la régulation, à l’engagement des peuples pour corriger ou réparer les injustices et les souffrances qu’une mondialisation sans contrôle inflige aux personnes les moins armées pour y trouver leur place. La solution aux excès de la globalisation passe par l’action collective et non pas l’égoïsme national. Un exemple, parmi d’autres, est l’investissement de nombreuses associations (dont les mouvements chrétiens comme le CCFD ou Justice et Paix) contre les paradis fiscaux, les petits arrangements financiers qui lèsent les peuples. Avec quelques succès, il faut le souligner.
Le repli sur soi, sur ses intérêts particuliers ne répond pas aux exigences de la solidarité qui doit équilibrer la balance de la mondialisation. Paul VI en 1967 parlait du nationalisme comme d’un objectif qui s’oppose « à la formation d’un monde plus juste et plus structuré dans une solidarité universelle ». Il ajoutait : « il est normal que les nations de vieille culture soient fières du patrimoine que leur a livré leur histoire mais ces sentiments légitimes doivent être sublimés par la charge universelle qui englobe tous les membres de la famille humaine. Le nationalisme isole les peuples contre leur bien véritable » (Populorum Progressio 62). Et le pape François, dans ses différents discours n’en attend pas moins de la vieille Europe : fière de son histoire, mais responsable. Ayons conscience de la « charge universelle » qui repose sur les épaules de nos nations. Non pas pour nous en glorifier, non pas dans un nouveau dessein impérialiste, mais pour tenir compte des liens qui unissent la famille humaine. Qu’il s’agisse de migrations, de bouleversements climatiques, de lutte contre le terrorisme, proclamer « America first » frise le contre sens.
Dominique Quinio
Présidente des Semaines Sociales de France