Par Philippe Segretain,
Pour lancer le Manifeste pour décarboner l’Europe Jean Marc Jancovici, Président du club de pensée « The Shift Project », nous rappelle que la différence de température entre l’ère glaciaire et aujourd’hui est de cinq degrés. Dans son apparente modestie ce chiffre dit tout de l’enjeu de la mise en œuvre effective des choix stratégiques énoncés par la COP 21.
Ce Manifeste propose aux candidats à la Présidence de la République de s’engager « à plaider au sein du Conseil Européen ,pour que celui-ci adopte…un plan d’action…capable de permettre à l’Union Européenne de parvenir à un niveau d’émissions de GES (Gaz à effet de serre) aussi proche que possible de zéro en 2050… afin de lui permettre d’être pionnière… d’une économie durable.» Les candidats à la présidence sont interpellés sur leur attitude, leur engagement en Conseil Européen : par-delà le pragmatisme, le climat ne connait pas de frontière, ce manifeste pose donc un acte politique encore trop rare : la parole présidentielle en Conseil Européen est objet du contrôle démocratique.
Mais ce manifeste a une autre caractéristique : ses signataires, industriels, dirigeants d’entreprises publiques ou privées, de groupes cotés ou de PME (Petites et moyennes entreprises), financiers et investisseurs, à côté d’experts et d’universitaires, ont dépassé les traditionnelles pudeurs devant une prise de position politique en pleine campagne électorale. L’entreprise acteur politique ? Oui, et il lui arrive d’affirmer sa prise de conscience de sa responsabilité sociale pour l’environnement. Simple politique de communication pour cultiver les « valeurs de la marque » ? Ce serait faire injure aux signataires, dont beaucoup n’ont aucune marque publique à défendre. Et cette signature publique les engage : ces entreprises ont pu investir dans des dynamiques palliatives, elles doivent aujourd’hui être des outils des mutations de comportement et des marchés. La protection de la planète mobilise tous les acteurs, du Pape François aux chefs d’entreprises en passant par les responsables publics, les militants, les lanceurs d’alertes et observateurs engagés. Cette heureuse diversité des acteurs dans la cité remet en cause les jeux de rôle institutionnels. Elle oblige ceux qui souhaitent nourrir le dialogue entre une doctrine et des situations sociales à parler aux politiques, certes, et à tant d’autres !
Philippe Segretain, signataire du Manifeste, membre du Conseil des Semaines sociales de France